À l’occasion de la Semaine de l’Énergie, organisée du 24 au 26 juin 2025 à La Perle de Sainte Anne (Gombe), l’Autorité de Régulation du secteur de l’Électricité (ARE) a donné le coup d’envoi d’une vaste concertation nationale sur les perspectives et les défis du secteur de l’électricité en République Démocratique du Congo.
Dans son allocution d’ouverture, Dr Sandrine Mubenga Ngalula, Directeur Général de l’ARE, s’est appuyée sur les données du rapport annuel de 2024 pour dresser un bilan de la consommation électrique en RDC, passée de 12 460 GWh en 2020 à 13 625 GWh en 2024. Ce constat met en lumière une croissance soutenue de la demande énergétique, contrastant avec une production encore insuffisante pour y répondre pleinement.
Madame le DG a également présenté des données environnementales importantes, soulignant que la quantité de dioxyde de carbone évitée est passée de 8,5 millions de tonnes en 2020 à 9,2 millions de tonnes en 2024 par l’utilisation des énergies renouvelables. Ce progrès reflète l’impact croissant du secteur sur la transition énergétique et la lutte contre le changement climatique.
Elle a invité toutes les parties prenantes à consulter le rapport annuel complet à travers le lien https://are.gouv.cd/rapport-annuel-2024/, en rappelant que la République Démocratique du Congo demeure un acteur clé dans la lutte contre le réchauffement climatique.
Le passage de 12 460 GWh à 13 625 GWh témoigne de la croissance de la consommation électrique annuelle d’électricité en République Démocratique du Congo. Cependant, les défis liés à une demande croissante et à une production encore insuffisante freinent le développement d’un secteur en pleine mutation. Pour y remédier, l’ARE a lancé cette réflexion d’envergure avec l’ensemble des parties prenantes.
Devant les opérateurs du secteur et les partenaires réunis à La Perle de Sainte Anne, à Gombe, Dr Sandrine Mubenga Ngalula a ouvert les discussions en mettant en lumière, dans le rapport annuel de l’ARE, l’évolution positive enregistrée depuis l’opérationnalisation de l’institution en 2020. « La consommation énergétique annuelle est passée de 12 460 GWh en 2020 à 13 625 GWh en 2024 », a-t-elle souligné, après avoir présenté, pourcentages à l’appui, les données ventilées par niveaux de tension – basse, moyenne et haute.
Comme pour corroborer les propos de Mme le DG de l’ARE, trois opérateurs, auxquels la parole a été accordée, parmi lesquels Monsieur Fabrice Lusinde, Directeur Général de la Société Nationale d’Électricité (SNEL), l’ont confirmé. À titre illustratif, le DG de la SNEL a expliqué que son établissement public a, au cours des deux dernières années, réalisé 100 000 nouveaux raccordements, ce qui correspond à 1 000 000 d’habitants.
Nombreux défis et solutions concrètes proposées
Ces assises, organisées dans l’objectif de renforcer la dynamique collective autour des défis et perspectives du secteur de l’électricité en République Démocratique du Congo, ont permis aux uns et aux autres d’évoquer moult difficultés auxquelles ils sont confrontés. Les échanges ont mis en lumière plusieurs problèmes structurels persistants qui freinent le développement du secteur de l’électricité en RDC. Il s’agit notamment d’un déficit chronique de production, d’une demande énergétique en constante augmentation, de coupures récurrentes affectant particulièrement les grands consommateurs, tels que les entreprises minières, ainsi que d’un cadre fiscal jugé peu incitatif par les opérateurs économiques.
En outre, de nombreuses voix se sont élevées pour appeler à une meilleure protection des investissements et à un accompagnement plus soutenu de l’État. Ces préoccupations viennent s’ajouter à celles déjà soulevées, à savoir la production déficiente, la pression croissante de la demande, ainsi que la nécessité de garantir un environnement plus protecteur pour les opérateurs du secteur.
À cet égard, Madame le Directeur Général de l’ARE, Dr Sandrine Mubenga Ngalula, a lancé un appel à tous les acteurs du secteur pour une collaboration renforcée, en vue d’augmenter durablement le taux d’électrification de la RDC.
Si M. Fabrice Lusinde, le DG de la SNEL, a mis en lumière les limites auxquelles les opérateurs sont confrontés, M. Adrien Fariala, Responsable Energie d’Eurasian Resources Group (ERG Africa), une compagnie qui réalise un chiffre d’affaires de 6,3 milliards de dollars et qui œuvre dans la production de cuivre et de cobalt a insisté sur l’insuffisance d’énergie qui affecte le travail des grands consommateurs d’énergie que sont les miniers.
Pour sa part, M. Aimé Lobo, Directeur Général de NURU, société de droit congolais spécialisée dans les mini-réseaux et qui ambitionne de fournir à 10 millions de Congolais un courant électrique de classe mondiale d’ici 2030, a évoqué la problématique de la protection des investissements, en insistant particulièrement sur les risques liés aux situations de force majeure dû à la situation sécuritaire qui prévaut à l’Est du pays, laquelle perturbe leur travail. Dans son intervention, M. Lobo a réaffirmé l’engagement de NURU en faveur de l’électrification des populations, tout en appelant à un appui institutionnel renforcé, afin de sécuriser les investissements dans les mini-réseaux et garantir leur viabilité à long terme. Selon lui, cette sécurité est indispensable pour attirer les capitaux privés dans les zones encore non desservies.
En réponse à ces défis, plusieurs initiatives concrètes ont été mises en œuvre. Le partenariat entre la SNEL et l’ARE, notamment à travers la formalisation des contrats de transport pour tiers et la révision des contrats existants, a permis d’améliorer la fluidité des opérations. L’ARE a également développé une série d’outils réglementaires, comme les modèles de contrats tripartites, destinés à standardiser et faciliter les procédures de contractualisation.
Selon la SNEL, ces contrats modèles ont contribué à accélérer le traitement des PPA (Power Purchase Agreements). Du côté de NURU, la mise à disposition par l’ARE d’un contrat de concession de distribution adapté a permis à l’entreprise de régulariser sa situation juridique, condition essentielle pour assurer la continuité de ses activités.
Enfin, la résolution des litiges entre opérateurs, facilitée par l’ARE dans son rôle de médiateur, a été saluée comme un levier important pour renforcer la confiance entre acteurs et favoriser les investissements.
Les nœuds du problème
« La grande problématique de la SNEL, c’est le déficit de production. Cela se traduit par un délestage qui ne fait qu’augmenter », a indiqué M. Fabrice Lusinde, Directeur Général de la SNEL. À l’en croire, la SNEL va continuer à soutenir la demande malgré son déficit structurel. S’adressant à l’ARE, il a affirmé qu’ils ont signé des contrats de vente d’énergie aux miniers pour environ 2 200 MW, alors qu’en réalité, structurellement, ils ne reçoivent d’Inga que 530 MW à Kolwezi. « Structurellement, tous les clients miniers sont délestés », a-t-il ajouté.
Il a également évoqué les défis liés à la facturation, notamment la facturation forfaitaire jugée abusive et les problèmes tarifaires, sans oublier la pression fiscale non maîtrisée à laquelle sont confrontés les opérateurs. D’autre part, M. Lusinde a sollicité l’appui de l’ARE, estimant que les opérateurs ne se sentent pas protégés face à ces réalités. « En tant qu’opérateur, nous ne sommes pas protégés », a-t-il indiqué, après avoir parlé de la collaboration qui existe entre l’ARE et la SNEL, notamment en ce qui concerne le règlement des litiges qui opposent parfois la SNEL aux consommateurs d’électricité.
« Parmi les défis majeurs figure la fiscalité énergétique, qui devrait être un instrument simplifié permettant de soutenir les investissements de la SNEL, mais aussi ceux de tous les opérateurs du secteur. Ce n’est donc pas spécifique à la SNEL », a-t-il affirmé.
Le DG de la SNEL a par ailleurs épinglé d’autres difficultés majeures, à savoir la dette de 238 millions de dollars que l’État doit à la SNEL, ainsi que la dette globale de l’entreprise, qui s’élève à 3 milliards de dollars, faisant de la SNEL l’un des plus grands débiteurs après l’État. Il a précisé que la société rembourse chaque mois entre 25 et 30 millions de dollars pour honorer ses engagements.
Quant à lui, M. Adrien Fariala, Responsable Énergie d’Eurasian Resources Group (ERG Africa), a plaidé pour la satisfaction de la demande d’énergie électrique des miniers, soulignant que ces derniers sont confrontés aux mêmes difficultés liées au déficit énergétique. En 2024, de janvier à août, a-t-il regretté, les cinq plus grands groupes miniers ont perdu 700 millions de dollars à cause des coupures de courant électrique. D’où, a-t-il affirmé, la volonté des miniers de se mettre ensemble pour renforcer leur synergie afin d’aider la SNEL dans la réhabilitation de ses infrastructures.
M. Fariala a aussi rappelé que les miniers continuent d’importer plus de 350 MW, dont environ 70 MW pour ERG à lui seul, faute de couverture suffisante par le réseau national. Il a en outre souligné que de nouvelles mines ne cessent de voir le jour, ce qui accentue davantage la pression sur le système énergétique national.
Quelques projets engagés par la SNEL
Toutefois, le Directeur Général de la SNEL a évoqué plusieurs perspectives encourageantes. Malgré les nombreuses contraintes auxquelles l’entreprise fait face, la SNEL entend poursuivre ses efforts pour améliorer la qualité du service fourni à la population. Il a ainsi annoncé l’installation prochaine de 400 000 compteurs digitaux, une mesure qui vise à améliorer la facturation et la transparence dans la gestion de la consommation. Par ailleurs, la société prévoit l’extension de son réseau en partenariat avec les autorités provinciales, en particulier les gouvernements provinciaux, afin d’accompagner la croissance rapide des villes et l’urbanisation du pays.
Un projet de montée en tension est également en cours à Kinshasa, avec pour objectif de passer de 6,6 kV à 30 kV, une évolution qui permettra d’améliorer sensiblement la qualité du service et de réduire les pertes techniques.
« Un partenariat est signé pour passer de 6 600 volts à 30 000 volts au niveau de Kinshasa », a-t-il précisé en évoquant la clientèle urbaine.
L’ARE met en demeure les opérateurs et exploitants débiteurs
Ce premier jour, où il était prévu, outre l’ouverture officielle des assises, des rencontres avec des opérateurs clés, le Directeur Général de l’ARE, Dr Sandrine Mubenga, a lancé un avertissement ferme à l’encontre des opérateurs en situation d’insolvabilité vis-à-vis de l’ARE. Elle a rappelé que le non-paiement des frais dus à l’ARE entraînerait l’exclusion de tout service de régulation, direct ou indirect.
« Il est très important de régler la facture de l’ARE à temps », a-t-elle martelé, appelant tous les opérateurs à régulariser leur situation financière pour permettre à l’ARE de fonctionner efficacement.
L’appel a également été élargi à l’ensemble des opérateurs, invités à :
– s’acquitter, à échéance régulière, des frais de suivi et d’évaluation tarifaire,
– et transmettre les données statistiques exigées conformément à la Loi.
COMMUNICATION/ARE
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